13 décembre 2006

Moi

[Avis a tous les lecteurs : ce post peut etre deprimant pour certains, car il revele une partie de la personnalite de la Chachou que vous ne connaissiez peut-etre pas. Donc si vous voulez rester sur l’image de la Chachou insouciante dont les seuls problemes existentiels sont la panne de sa machine a laver et la maniere dont elle va s’habiller le lendemain, passez votre chemin.
Papa, Maman, mes freres, vous pouvez aussi passer sur ce billet si la blessure est trop fraiche pour vous.]

Jusqu’a present, j’ai toujours soigneusement evite, sur ce blog, de parler en profondeur de ce qui me touché et de ce que je suis vraiment. Certes, il y a eu et il y a toujours des billets d’humeur, qui servent a connaitre la temperature de mon moral. Il y aussi des etudes tres serieuses sur des sujets tous plus cruciaux les uns que les autres –les sacs a main des filles, les couples en Pologne…-. Mais cela ne vous dit pas QUI je suis. Meme si la definition commune du blog est qu’il s’agit d’un “journal intime virtuel”, il n’en reste pas moins qu’etant public, on n’y consigne que ce que l’on veut bien. Pour se montrer sous son meilleur jour, peut-etre. Ou bien pour se sortir la tete des pensees qui parfois nous obsedent.
Ce blog, pour moi, c’est bien souvent une bouffee d’air frais, ou je peux laisser divaguer ma plume au gre de mon huneur, de mes envies, de mes grains de folie. C’est un moment de plaisir spontane : j’ecris toujours d’une traite, sans me relire, et seulement lorsque j’en ai envie. Pas envie de me contraindre a quoi que ce soit. Juste envie d’ecrire, parfois.
Mais ces quelques mots que je jette plus ou moins regulierement en vrac sur la Toile, et bien parfois, je les lance comme on lance une bouteille a la mer : avec l’implicite espoir que quelqu’un saura lire entre mes mots.

C’est mon cote midinette impenitente, je sais, c’est stupide, mais c’est moi, mon Petit Nuage, mon grain de folie, ce qui fait ma force et ma faiblesse.
Grace a ca, je vois parfois de jolies choses la ou d’autres ne voient que le morne quotidien.
Mais a cause de ca aussi, je suis beaucoup plus fragile et sensible aux choses moches et qui font mal.

Est-ce pour autant vrai de dire que je perds d’un cote ce que je gagne de l’autre ? Je ne sais pas. Pas facile d’evaluer de quel cote penche la balance. Je sais juste que, sur un fond souvent de profonde revolte et de sentiment d’impuissance et de tristesse, se calquent quelques “petits bonheurs”, une odeur dans la rue, un visage, une grimace, une situation, qui font que pendant quelques instants, un sourire va s’afficher sur mon visage et me faire oublier le reste. Tentative parfois desuete de chercher et trouver le beau, le bien, coute que coute.

Je peux le dire maintenant que je vois le bout du tunnel : je pense que cette faculte (ce don ?) de grande reveuse m’a sauve pendant ces dernieres annees.
Sauvee d’un mal, d’une maladie (car c’en est une, confirmee par medecins et psy-chiatres ou –chologues que j’ai rencontres, n’en deplaise aux biens pensants) qui m’a rongee et a essaye de faire couler insidieusement mon Petit Nuage au plus profond de l’abyme. Parfois, le Petit Nuage a ete le plus fort. Et puis parfois, non.

Cette maladie, c’est la depression.

Je sais, c’est d’un banal, pfffffff, tous ces gens qui se disent depressifs pour avoir un bon pretexte de se complaire dans leur pseudo-malheur pendant que certains crevent de faim au Darfour, je vous jure, c’est d’une indecence, tout ca pour faire son interessante la Chachou, alors qu’elle a tout pour etre heureuse.

Ouais, je grossis le trait, mais implicitement, je sais que beaucoup pensent cela –ou l’ont pense- y compris des proches. D’ou mon silence sur ma souffrance. A quoi cela sert de parler quand on est surs de ne pas etre comprise ?
Car en effet, ce mal, je l’ai tu. Je l’ai garde pour moi. Pas envie de faire chier les autres avec mes problemes. Et puis fierte mal placee, envie de s’en sortir toute seule.
Pas non plus envie d’avoir droit a des lecons de morale : ce n’est pas parce que d’autres sont plus malheureux que moi que j’irais mieux, ce genre de raisonnement me fout tout simplement la gerbe, ce cote judeo-chretien de martyr et de compassion meles, teinte d’hypocrisie. Pppppffffffffffffff. A tout prix etre heureux, ou au moins faire semblant, merde, pense un peu a ce que les autres vont devoir supporter en t’ecoutant deblaterer tes petits malheurs.

Dictature du bonheur. Pas etonnant que les gens soient depressifs quand on leur interdit d’exprimer leur souffrance sous peine d’ostracisme.
Je ne dis pas non plus qu’il faut la rabacher et la ressasser sans cesse, noyer les autres sous ce flot de mots refletant nos sentiments. Mais une vraie ecoute, sincere et patiente, de temps en temps, peu faire vraiment beaucoup de bien.

J’en sais quelque chose : depuis quelque mois, j’ai pris sur moi de parler, d’accepter l’aide des autres (limite aller DEMANDER, chose impensable jusque la pour moi… Demander, mon Dieu, quelle horreur !). Ca m’a demande des efforts, mais je ne les regrette pas. Car maintenant, je sais que j’ai des amis. Des gens qui m’aiment, et qui ne me voient pas comme moi je me vois (l’amour rend aveugle parfois, je sais). Je ne vais pas les citer, ce n’est pas le but de ce blog, j’vais pas faire mon hypocrite. Ils se reconnaitront. Et savant que je les remercie du fond du coeur d’exister, d’etre avec moi. Et que je les aime, aussi.

Car j’ai fait du mal a ces gens a force de tout vouloir garder pour moi. Je les ai surpris, moi qui cachait bien soigneusement tout ca sous un masque de boute-en-train nymphomane a tendance portee sur la bouteille.
Ben oui, mais c’est bien connu, l’humour est la politesse du desespoir.

Il y a 9 mois de cela, j’etais a l’hopital. Apres une 4e tentative de suicide. Encore un foirage, bien sur, a croire que je suis pas douee pour la mort. Joli bandage a mon poignet gauche, humour de merde du medecin de garde cette nuit-la en observant la plaie “oh, je vois qu’on a commence une collection !” (de cicatrices, NDLA). Tout a fait le genre d’humour qui me plait. Et m’a fait rire jaune cette nuit la, tellement j’etais prise dans une vague de folie suicidaire. Tentative de consolation de l’infirmiereca ne sert a rien de faire ca pour un garcon”. QUOI ? J’ai l’air aussi stupide que ca ? SE SUICIDER POUR UN MEC ? J’hallucine la ! Putain, on me prend vraiment pas au serieux !

Et puis forcement, l’interdiction de rentrer chez soi. Ma premiere nuit a l’hopital. La violence de cette chambre blanche, de la porte ouverte sur le couloir et sur la lumiere criarde qui l’eclaire. Le bruit des portes qui s’ouvrent et se ferment violemment derriere les infirmieres pour les prises de tension. “16 ?!! Oula, c’est pas bien ca mademoiselle, il va falloir vous calmer !”. “Euh oui… mais la, vous n’auriez pas une clope ?”
L’humiliation de se voir confisquer ses vetements, mis sous cle. Et le pyjama de l’hopital. Les odeurs, les cris des patients parfois dements.
Se faire racketter au matin par une de ces patients, qui sort tout juste de l’asile, et qui va visiblement y retourner d’apres les conversations des infirmiers que j’ai pu entendre. Patiente alors sanglee au lit. Devoir supporter ses vagissements. Tout le jour. Et toute la nuit.

Le lendemain, visite du psychiatre. Ou je lui explique, en tentant de ne pas etre trop cynique, que le couteau c’etait tout ce qui me restait vu qu’il n’y a pas de dose lethale concernant les divers medicaments que je prends –y compris anti-depresseurs (“Je le sais”, que je lui dit, “je me suis renseignee sur des forums medicaux. Merci Internet !” ); que le gaz, ca aurait risqué de tuer mes voisins et de faire exploser le quartier ; que je n’avais pas de corde pour me pendre ; et que l’accident de voiture, je voulais pas, car ca aurait coute a mes parents niveau assurance.
Alors, le choc de ses mots : “je ne vous laisse pas partir dans cet etat. Je vais parler a mes collegues pour envisager un internement psychiatrique“. Le salaud. Tentative trop reflechie, trop serieuse pour lui. Lui, qui m’oblige a mendier aupres de lui de la lecture, pour ne plus avoir a affronter ces murs blancs contre lesquels le moindre son se repercute avec 1000 fois plus de violence. Battements de coeur, respiration, bruits de pas. Ma tete se cogne dans cet espace. J’etouffe. Et pourtant, je n’ai pas le droit de sortir. Jamais je ne me suis sentie aussi apeuree et prisonniere, envie d’arracher ma cage thoracique, d’enlever ma peau qui me brule.

Finalement le compromis, le lendemain, après visite d’un 2e psychiatre et de la psychologue de l’hopital (la belle Maryline…). Droit de sortir sous condition de suivi psychologique, toutes les semaines, a l’hopital. Et sous reserve que j’aille habiter pour quelques temps chez des amis. J’evite de commenter ironiquement que ce n’est pas cela qui m’empechera de recommencer. Non, deconne pas ma vieille, tu es trop proche de la sortie.
Je telehone a une amie pour qu’elle vienne me chercher (je n’ai pas le droit de partir seule), et m’assure aupres d’une deuxieme que je peux squatter chez elle pour quelque temps. Et enfin, je me casse. K-O, sonnee.

Retour chez moi, pour prendre des affaires. Pour appeler. Prevenir, sur les conseils appuyes de la “team” des psys. Car je ne le voulais pas, au debut. Etonnement de rester aussi froide en annoncant ces nouvelles. Je suis un monstre, je ne me reconnais pas.

Je passerai sur les restes des details, qui sont trop personnels.

J’ai suivi les conseils, je suis allee voir la psy. Au debut avec scepticisme.
Puis je me suis rendue compte que ce genre de therapie me faisait du bien, malgre la difficulte de la parole. Mine de rien, c’est pas facile de parler de soi. Du moins pour moi, qui ne suis pas une narcisse-nee. Se balancer son propre reflet en pleine gueule sans pouvoir l’eviter, voila ce que c’est. Apprendre a se poser les bonnes questions, pour y chercher soi-meme les reponses. S’affronter. Puis, après quelques temps, continuer le chemin seule. En n’hesitant pas a demander au besoin.

Je regrette ces suicides desormais. Cela fait 3 mois que je n’envisage plus de recommencer. Que je sens que je tiens le bon bout. Que je suis meme presque fiere de moi.

Trop tot neanmoins pour dire que c’est la fin, je ne veux pas lancer de prognostic trop rapidement, j’ai peur que cela me porte la poisse. Mais oui, j’ai accompli un sacre bout de chemin. Je sais qui je suis, ce que je ne veux pas, un peu ce que je veux. Je ne m’aime pas encore, mais cela viendra, avec le temps.
En tout cas, j’aime. Plus que jamais. Les amis, les copains, les autres, les gens, les inconnus, les hasards, la vie. J’accepte les hauts, je ne subis plus les bas. Je prends du recul. Et je suis desormais capable de parler de moi, sans pudeur, sans hypocrisie. Juste de moi, de ce que je suis. Et enfin, ne plus rester froide quand je parle de cela. Sentir les larmes couler sur ma joue quand je dis que oui, j’ai voulu me tuer, c’est une formidable preuve que je souhaite vivre.

Je n’en ai pas honte, je n’en suis pas fiere non plus. C’est juste comme ca.
Maintenant, vous savez.

8 commentaires:

Anonyme a dit…

ca fait bien longtemps que je voulais t'entendre dire tout ça...un peu comme un rêve qui se réalise... tu es sur le bon chemin.... c'est bête mais j'ai envie de te dire merci...
jtm

Chachou a dit…

Je t'aime aussi :-)

pseudointelektualka a dit…

bien joué! :-*

Anonyme a dit…

"Que je suis même presque fière de moi"


Tu peux l'être, c'est mérité.

Admin a dit…

Fière de toi... ça manque d'originalité. On l'est tous, fiers de toi!

Chachou a dit…

Merci :-)
Ca fait un petit moment que je voulais ecrire tout ca, mais je sentais que c'etait pas encore assez loin derriere moi... et puis pouf, le declic. Maintenant, je sais que je ne pourrais plus revenir en arriere. Et c'est tant mieux !
Enfin, vous vous rendez bien compte que ca veut dire que vous allez devoir me supporter jusqu'a la fin de vos jours ?!!

Admin a dit…

ouais ben perso je préfère faire avec que sans ;)

Chachou a dit…

OK, je n'ai donc plus aucuns scrupules Mouhahahahahaha (rire sardonique de l'Enfer de sa Maman qui tue)